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2 février 2011 3 02 /02 /février /2011 15:10

Voici le récapitulatif de la nouvelle Empreintes et Sortilèges, écrite en  9 épisodes. Je me suis aventurée dans cette sorcellerie suite à la proposition de la communauté La  Petite fabrique d’écriture. Cette communauté rassemble des blogueurs « traversés par le désir d’écrire et d’être ensemble ».  Orchestré par Quichottine, ce blog  propose des jeux d’écriture qui impulsent l’inspiration et  soutient nos désirs de jouer avec les mots.

J’ai aussi exploré le site explorations urbaines dans lequel je me suis immergée pour évoquer l’ambiance étrange de la communauté des sorciers. Ces photographes explorent des lieux abandonnés: hôpitaux, théâtres, chapelles, usines etc.J'ai déambulé virtuellement dans ces atmosphères mystérieuses, parfois lugubres où les lieux exhalent la mémoire des évènements passés.

Charlie, mon correcteur, rigoureux, sans indulgence pour mes accroches orthographiques, grammaticales,  a imaginé les yeux Ying Yang d’Arcan, m’a délivré de certaines hésitations sur des mots, des phrases inachevées ou alambiquées. 

Notre tandem est auteur de cette nouvelle, où Mélophine, Mijoty, Arcan et Trekaï ont forgé notre imagination, pour vous embarquer au-delà du rationnel.

Merci aux lecteurs fidèles, ceux qui se sont fait connaitre ainsi que les passagers restés anonymes. Vous nous avez encouragé à garder le cap sur l'horizon des sortilèges, sans y sombrer. Quelle expérience ! 

Bonne lecture…jusqu’à la prochaine nouvelle, thriller souterrain…ou romantique mièvre. J’hésite encore.

Empreintes et Sortilèges - Episodes 1 à 9 Empreintes et Sortilèges - Episodes 1 à 9


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31 janvier 2011 1 31 /01 /janvier /2011 23:02

 

La matinée coule sur les sanglots avortés de Mélophine, tandis qu’Arcan se cogne aux préparatifs du réveille-matin : café, brioche tressée, confiture de reine claude, un seul œuf à la coque pour deux. Le plateau est bien garni. Arcan veille toujours à ses
petits-déjeuners, le seul repas de la journée qu’il honore. Mélophine, toujours recroquevillée, lui tend un sourire timide, se relève. Arcan ne laisse échapper aucune miette sonore : une porte claque, une voiture démarre, le pas feutré de la gardienne qui dépose le courrier. A l’étage au-dessus, chez Mélophine, le vide sonore exhale l’effroi de la veille.

 

Attablés, chacun étrangle son malaise, par d’humbles lampées de café. Leurs yeux se complicent dans leurs interrogations partagées.

-         Je crois que c’est calme là-haut. Je vais vérifier.

-         J’ai peur. Toutes ces coïncidences : ma voix, ton hypervision, notre rencontre, les événements de cette nuit et ce combat d’individus étranges, cachent une histoire qui nous échappe. Je ne peux rester seule… je viens avec toi.

 

La porte est fermée. Les deux félins, avec prudence, pénètrent dans une atmosphère chaotique. Une odeur de thym et d’origan embaume la chambre. Sur la table basse un verre renversé a laissé s’échapper un liquide collant, sucré. Au sol, des objets éparpillés rappellent le combat de la veille. Un nuage de fumée dans l’angle le plus sombre de la pièce, embrume la silhouette de Mijoty. De sa pipe d’ébène s’échappent des ronds de fumée bleuâtre. Son aura orangée interpelle Arcan.

-          Qui êtes-vous ? Que faites-vous là ? Que voulez-vous ?

-         Ne t’inquiète pas. Je ne vous ferai aucun mal. Je dois vous expliquer certaines choses. Les évènements d’hier ne sont pas pur hasard, mais une nécessité. Mais avant tout j’ai besoin de ton aide. Mon coude est déboité. J’ai pensé que tu pourrais…

-         Ca suffit vos conneries. Sortez de chez nous avant que j’appelle les flics.

-         Calme-toi. Bon, je me présente déjà. Je suis Mijoty, Présidente de la Haute Cour de la « Communauté Internationale Chance et Sortilèges », ma confrérie. Je sais que vous avez passé l’âge de croire aux sorcières, néanmoins nous n’existons pas seulement dans vos livres d’enfant. Mais peu importe. Ce que j’ai à vous dire vous concerne et vous devez le savoir, pour vous protéger des esprits maléfiques. Vous préférez croire aux fées mais celles-ci se font rares. Notre communauté les a supplantés, du moins en nombre…

-         Sorcière et quoi encore ? Et nous, nous sommes des martiens, des mutants ?

-         Très perspicace, dis-moi, grâce à ton hypervision que tu as pu utiliser hier. Sers-toi d’elle pour vérifier mes intentions. Ton don te vient d’un sorcier, celui que tu as désarçonné hier, Trekaï, ton parrain en quelque sorte. Je peux préciser que tu as une pupille singulière en forme de ying yang et que Mélophine est dotée d’un instrument vocal inégalé, sa voix est plus puissante qu’une arme ou une cuirasse. Elle l’a expérimentée il y a quelques jours, pour se protéger d’individus pernicieux…

Mélophine acquiesce :

-         Oui c’est vrai quand tu m’as vu rentrer, il y a quelques jours au matin, je revenais d’une embuscade dans laquelle mes vocalises ont anéanti mes deux agresseurs, tués sur le coup d’une flambée vocale enragée.

-         Comment savez-vous tout ça ? Vous nous surveillez ?

-         Je suis une sorcière, ne l’oublie pas. Je n’ai pas besoin d’être présente pour te voir. Alors es-tu décidé à me remettre mon coude en place ?

Arcan s’approche prudemment de l’encapée noire. Son apparence humaine met en doute ses propos. Il lève les yeux et commence l’introspection de la psyché de Mijoty. Son aura devient plus lumineuse. Percevant ses ondes bienveillantes, il tire d’un coup sec. Le coude a repris sa place.

-         Ah merci, je me sens mieux. Laissez-moi-vous expliquer. Cela ne prendra pas beaucoup de temps. Ensuite je m’en irai.

Les deux amants s’assoient, attentifs, serrés l’un contre l’autre, leurs mains enlacées.

-         Bien pour commencer, laissez-moi vous rappeler le contexte dans lequel vos dons s’inscrivent. Depuis vos lectures enfantines, les temps ont bien changé. Les fées se sont laissées emporter par leur naïveté et leur bonté. Presque disparues, nous sommes les seuls à superviser la bonne marche de l’univers. Votre monde est malade de l’avidité humaine. Vous êtes voués à grandir dans le chaos, sur une planète vomissant les sécrétions du progrès. Vos aînés sont inconséquents, arrogants, méprisant l’équilibre de la biosphère. Nous sommes liés par un pacte, sorciers et humains. Notre communauté, pour sa survie et la vôtre, a décidé d’infléchir le cours mondial de la démesure, de la cupidité humaine. Pour quelques élus, l’un d’entre nous, à sa naissance, appose une empreinte au nouveau-né, et selon son intuition, le dote de capacités surnaturelles.

-         C’est comme ça que j’ai reçu cette voix hors norme ?

-         Oui en effet, c’est mon empreinte. Je te suis depuis ta naissance. Je connais tout de tes faiblesses, mais je te reconnais une vigueur et une détermination unique. Il est temps que tu te serves de ce que je t’ai donné, pour te libérer du joug de tes merdes destructrices. Tu n’as pas le choix, ton destin comme celui d’Arcan et des autres élus, est d’impulser un nouvel élan à votre civilisation. Arcan tu ne crois pas si bien dire, en vous désignant comme mutants. En quelque sorte nous vous avons destiné à être les pionniers d’une ère nouvelle.

-         En quoi mon hypervision pourrait-telle inverser la marche du monde ? Vous voulez nous persuader que nous sommes des super-héros de bande dessinée.

-         Tu n’as pas encore découvert toute l’étendue de tes capacités. Non seulement tes yeux s’infiltrent dans l’âme des individus que tu approches, mais tu as également le pouvoir, d’annihiler leur coté obscur. Tu peux leurs insuffler toutes les idées nécessaires pour lutter contre la dégénérescence. Vous vous êtes reconnus, il vous reste à repérer les autres membres élus, pour accroître votre puissance, l’inoculer à votre descendance et ainsi propager l’esprit d’un renouveau, pour le bien-être de chacun et de tous.  Je vous laisse poursuivre la prédiction, je resterai une ombre à vos cotés.

Dans une lumière aveuglante, Mijoty disparait.


Deux ans plus tard

Ce soir, pour la première, elle s’est parée d’une rivière de perles ambrées.

Récital Franz Schubert: "Nacht und Träume", Mélophine Maturin

 

Elle ne peut le voir, mais elle sent son regard lui caresser les épaules. Juste avant l’entrée en scène, elle entend dans le fond de sa gorge un mot s’échapper, murmuré : « Renouveau ». Alors comme pour le fêter, elle avance sur la scène, fracture le silence, déroule le parchemin de ses trésors philarmoniques.

Il avait cédé : un costume trois pièces, pour l’occasion. Il avait choisi d’être au balcon pour ne pas la troubler. Il se laissa voguer jusqu’à l’aura bleu ciel de Mélophine. Il sentit un souffle chaleureux sur sa nuque.
Mijoty afficha un sourire radieux...

 Fin


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LN

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19 janvier 2011 3 19 /01 /janvier /2011 19:18

La lune les observe. Mélophine se blottit, gémit quelques tremblements à la surface de son silence. Arcan s’approche d’elle, déchire le voile de ses fantômes, enfouis au fond de ses paupières fermées. Il a peur de comprendre. En croisant sa douleur, il tente de l’apprivoiser. Elle se rétracte. Le corps de Mélophine signe la béance du vide, celle du manque. Son front est brûlant, ses mains glacées. Elle le supplie de ne rien faire, lui prend la main, l’enserre. Il restera toute la nuit à la regarder, sans la lâcher du regard, à s’assoupir parfois, pour la scruter de nouveau. Elle dort, d’un souffle précipité. Il a froid lui aussi. Il s’allonge, se blottit, frissonne, avant de sombrer dans le gouffre des cauchemars de Mélophine.

Un bruit, un souffle étrange, le réveille. Une présence maléfique vibre dans la pièce, alors que l’aube jette son regard neuf sur le monde.

 

Arcan sait depuis longtemps qu’il a quelque chose de plus que les autres. Déjà, enfant, son jeu préféré était de détourer les auras de ses congénères, sur la gamme des camaïeux de bleus : Bleu pétrole, bleu turquoise, bleu céruléen, bleu émeraude, bleu ciel, parfois grisé. Selon la teinte du cercle de lumière enveloppant les individus, Arcan devinait leurs états d’âme. Quand son père s’enroulait dans un bleu  Prusse, son fils détalait, fuyant la colère paternelle, qui cognait jusqu’à se libérer dans un fracas de cris menaçants. Sa mère s’enroulait le plus souvent d’un doux bleu clair.

Aujourd’hui ce n’est pas un dérivé de bleu qu’il discerne, mais une lueur rouge, hostile, dans l’angle de la chambre. Il pressent un péril. « Rassemble-toi, observe avant de bondir dans le vide ». Ses yeux divinatoires, son seul salut, fouillent la chambre. Une ombre de haute stature, encapée, veille, immobile. Arcan pose délicatement sa paume sur les lèvres de Mélophine et lui fait ouvrir les yeux. Elle le regarde. Silencieusement, il lui indique le danger.

 

Trekaï est là, tapi comme une bête traquée. Bafoué, animé par un désir de vengeance, il entend briser Mijoty. Mélophine est l‘instrument idéal de sa revanche. Il a assisté en coulisse à son baptême. Le temps est venu de démasquer la nouvelle Présidente, pour lui barrer la route.

Profitant de l’alignement des planètes, avec la complicité de ses derniers disciples, il a échappé à la vigilance de ses juges. Ce déplacement cosmique d’une durée de 22 minutes, déclenche un éblouissement tel que la vision en est altérée; le temps pour chaque astre de reprendre place dans la constellation.

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Le sorcier déchu, déjà plongé dans le noir depuis sa sentence, a saisi cet évènement rarissime, pour orchestrer son évasion.  Ses détracteurs l’ont livré à la radiation du soleil, plutôt qu’aux cachots situés sous les voûtes humides et froides du souterrain de l’aile droite, inaccessibles sans l’autorisation formelle de la Présidente. C’était sans compter avec les alliés de Trekaï, parmi la communauté de ses élèves, en particulier ceux issus de la promotion de Mijoty, dont certains la jalousent. Sept d’entre eux profitent de cette occasion pour lui nuire, en aidant Trekaï à s’évader de sa geôle solaire. Sous la menace d’une dévaluation de leurs pouvoirs, les gardes ont du s’associer aux conspirateurs. Rappelons-nous que l’essence de l’existence du sorcier s’incarne dans ses dons, ses charmes, sa force. En diminuer la portée, l’étendue, la valeur, ouvre une blessure incurable, à vif pour l’éternité.

 

Ahuri de voir sur les lieux, Arcan son protégé, un moment d’hésitation stoppe l’élan vengeur de Trekaï. Privé de ses yeux, seules le guident ses perceptions auditives. Il écoute très attentivement les rythmes respiratoires de Mélophine et guette la moindre de ses variations, pour interférer dans son psychisme. Il compte utiliser contre elle, son pouvoir d’inception, qui consiste à modifier la structure psychique des humains, pendant la phase de sommeil paradoxal, le moment des rêves, où le préconscient et le conscient sont assujettis par l’inconscient. L’homme est alors à la merci de ses démons intimes. Trekaï n’a plus alors qu’à semer le désordre dans la psyché et au réveil, à son insu, sa victime n’est plus tout à fait la même. Mais Mélophine en est encore au stade intermédiaire, trop agitée par des micro-réveils. Il ne réussit pas à s’immiscer derrière l’écran de ses pensées, ni à capturer le moindre élément de ses songes, pour la corrompre à sa guise.

 

Arcan patiente. Il se souvient de ses entrainements de jujitsu. Toujours attendre que l’adversaire approche, maintenir une vigilance, aiguiser sa perception pour démasquer les intentions de son attaquant. Anticiper sa garde pour une défense calculée. D’un battement de cils, Mélophine acquiesce à sa prudence.

En une rafale, l’ombre surgit, déchirant les derniers voiles de la nuit. Trekaï s’est décidé à passer à l’attaque le premier. S’abattant sur Mélophine, elle se laisse rouler à terre, tandis qu’Arcan s’arc-boute contre l’assaillant. Il est pris de convulsions, submergé par son hypervision de l’être maléfique.

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Trekaï, aveugle, déclame : « Que le mal t’anéantisse par le sacre de Thanatos ». Mélophine roulée en boule au pied du lit, irradie alors d’une voix surnaturelle son cri primitif, transperce les ondulations belliqueuses et guerrières des deux combattants. D’une impulsion inattendue, elle s’immobilise devant le sorcier, agrafe son regard sur ses orbites blanches, sans vie, ténorise une tornade puis se déploye en soprano, sous des ondulations déchirantes. L’écume de sa rage déferle sur son adversaire. Trekaï résiste, se contorsionne, s’affaisse au sol. Arcan, chancelant, se redresse sans comprendre. Il entend bien cette symphonie stridente, qui crible ses tympans. Mais quelle en est la source ? Les mains en coquille protégeant ses oreilles, il scrute Mélophine, envoilée d’un bleu Prusse, dont la voix s’apaise. Le sorcier est à terre, abattu pour un moment. Arcan attrape avec fermeté Melophine qui exténuée, se laisse conduire. Dévalant les escaliers, ils se réfugient chez Arcan.

 

Lui intimant de ne plus bouger, il ferme les yeux, se concentre. Le danger rôde. Qui est cet individu maléfique, cet aveugle démoniaque ? Mélophine se pose les mêmes questions. Qui est-il pour résister à sa puissance de destruction vocale ? Il aurait dû se briser sous l’ouragan musical. Que lui veut-il ? Elle aussi les paupières fermées, tente de rassembler ses pensées fracassées.

Le vent d’automne cogne sur les vitres, s’engouffre dans la cheminée. A l’étage au-dessus, le silence.

 

Mijoty a senti un froid glacial, perforer ses tempes. Son crâne comprime ses pensées inquiètes. Un signe de mauvais augure...

Son tubeless l’achemine à l’appartement de Mélophine. Son atterrissage vertigineux, sur la corniche de la fenêtre produit un son métallique, tintinnabule les deux tourtereaux, ranime leurs peurs. Mélophine tremblante se love contre Arcan. Concentré, à l’écoute de ses pensées confuses, il discerne à présent le chahut d’une rixe, à l’étage au-dessus.

-         Je vais voir ce qui se passe. Ne bouge pas, je reviens vite !

 

Il monte quatre à quatre l’escalier, passe la porte. Fasciné par son hypervision, il n’en croit pas ses yeux. Trekaï et Mijoty se livrent en duel, une danse macabre. Leurs deux capes noires tournoient, scarifient l’air, humecté de leurs fluides exaltés. Leurs outrages colorent leurs voltiges, leurs esquives, leurs chutes. Mijoty dans une incantation sépulcrale, assène à son Maître déchu, un ultime assaut. Trekaï s’agrippe à son âme démoniaque, profère en riposte une conjuration. Mijoty connait toutes ces sentences et a su s’en protéger. L’observation assidue des dons phoniques de Mélophine l’a guidée dans ses recherches. Au laboratoire, elle a finalement décelé une faille dans ces sortilèges, un antidote ultime : une guirlande de chants primitifs transforme les ondes vocales négatives en flux neutres. Elle égrène alors son chapelet préféré de clameurs antiques.

Un courant d’air spectral pulvérise ses dernières forces. Dans une brume poussiéreuse, Trekaï se volatilise sous l’acide de son cri primal.

 

Mijoty se tourmente. Elle sait que le combat n’est pas fini, ceci est une simple trêve. Où sont ses deux favoris ? De sa perspective passe-muraille, elle les découvre enlacés. Mélophine blottit dans les bras d’Arcan, sent un vent glacial perforé leurs états d’âme.

Il est 7h02. La journée ne fait que commencer...


88199033sorciere-jpgA suivre...

LN

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7 janvier 2011 5 07 /01 /janvier /2011 08:41

Le jour se lève à peine sur la ville. Au second étage, Arcan entrouvre les yeux. Derrière le voile de la nuit encore présente, un rayon de lumière lui suggère de se lever. Machinalement, il presse la touche de son PC. Quelques sons familiers ponctuent ses étirements matinaux. Dehors, les arbres nus se courbent  contre la brume et le vent. L’hiver y  a élu domicile. La coulée blanchâtre tombée du ciel, annonce le givre. Attablé dans sa cuisine, ses pensées échouent à mettre de l’ordre dans son avenir. Plus rien ne retient son attention. Son regard balaye furtivement son univers.

Le reflet de ses tourments, se détoure à la surface noire de son café. De nouveau, il pense à sa voisine. Elle martèle ses pensées. Il doit se décider, déjà trois jours qu’il ne l’a pas vue, ni perçu le moindre mouvement chez elle. Il ne connait d’elle que sa silhouette, son allure vive, ses rythmes noctambules.  La douche brûlante ouvre ses pores, il conclut son éveil par l’eau glaciale. Ses gestes rapides l’habillent en un temps record. Envahi d’une angoisse inattendue, il se sent mélancolique.

 

« Prends ta vie en main, sinon tu resteras à la merci des autres », la sentence de son père cisaille son abdomen, obstrue une seconde sa conscience. Qui sont ces autres ? Lui qui est inexorablement seul. Il y a juste elle, sa voisine,  qui subrepticement a infiltré la monotonie de son existence. Chaque jour il guette ses pas dans l’escalier. Aujourd’hui, il doit vérifier qu’elle est toujours là.  Et s’il lui était arrivé quelque chose, là tout près, juste au dessus de chez lui, sans qu’il n’ait eu l’intelligence ou plutôt la moindre attention à l’égard des autres, de la vie, en dehors de son existence minable.  Une autre voix résonne en lui, il ne sait plus d’où elle vient, de son père, sa mère ou son frère disparu. La même confusion opacifie ses souvenirs d’enfance. « Prends soin des autres, des tiens, ils sont les garants de ton existence... N’oublie jamais que ta vie dépend de ton regard». Il ne comprend toujours pas le sens caché de cette injonction, mais l’’intensité de ces mots lui enjoint de ne plus perdre de temps.


Ses pas le précipitent dans l’escalier.  Troisième étage. Un  fond de silence résonne dans son entrejambe. Pas de sonnette, une seule inscription - Mélo - d’une écriture enfantine, dans le cercle d’une  clef de sol, gravée sur la peinture carmin de la porte. Il pianote une énième fois sur le chambranle. Il colle son oreille : aucun frémissement, pas la moindre octave. Il entre sans y être invité. Pas de vestibule, ni de corridor. Directement, il trébuche sur le dénuement d’une pièce. Seul un meuble brise  la vacuité de l’espace, une table basse où s’empilent  les cris étouffés du manque, les expirations d’une décadence suicidaire. Tout l’attirail de la défonce gît là : une cuillère roussie par la flamme, du papier à rouler, un morceau de miroir éclaté, un garrot.  Au bout de la pièce, l’opacité blanchâtre du claustra japonais, anéantit ses hésitations à poursuivre son exploration. Un secret de corps de femme froisse l’horizon de ses certitudes. Etendue sur le ventre, en escargot colimaçon, sa peau métisse apparaît sur le lobe de ses pieds qui dépassent. Sa nuque « d’un infini roulé blanc », émerge des contours de sa silhouette,  perlée dans le drap de coton, gris pâle. 

Arcan se fige d’émotions, débordé par ses sens. Une légèreté furtive l’enveloppe. D’un flash éblouissant, il sillonne les aspérités de la vie de sa voisine. Son hyper-vision l’entraine sur les pentes vertigineuses  des ombres de l’existence de Mélophine. Il a découvert depuis peu, son aptitude à évoluer à son gré, dans l’intériorité de ceux qu’il a choisi d’approcher, pour déchiffrer  le mystère de leurs  âmes.  La  spirale d’une lumière intérieure lui rappelle qu’il se trouve à l’orée de son  acuité momentanée, et qu’il ne doit pas en abuser.  Il s’immisce dans la conscience de Mélophine. Il se concentre, ferme les yeux et pénètre au fond des cryptes où sourdent des cris étouffés, des sanglots ravalés.  Le vrombissement puissant d’un avion déchire ses tympans, le ramène au seuil du réel. En image ralentie, à pas feutrés,  Arcan s’approche. Son pouce hésitant presse le point de vigilance du cœur, à la marge d’une tache bleutée hémato-phone.  Le pouls de Mélophine bat en cadence régulière une sonate de Chopin. Rassuré, il s’en retourne à la désolation du salon.


Dans une joie intérieure, contenue, Arcan dézingue l’atmosphère mélancolique : les cendriers se vident, la cafetière ronronne, la table basse fait peau neuve. Ici aucun siège pour prendre place. On ne fait que passer. A contrario, il décide de s’attarder, s’assied par terre,  décapsule la dernière bière et s’imagine être un autre qu’il y a une heure. Il perçoit une agitation dans la chambre. Sa montre indique 16H17. Il se retourne, elle est debout, fragile, béquillée à la porte. Elle le regarde. Médusé, il lui sourit.

Le cœur de Mélophine se réaccorde. Elle murmure un psaume a capella. Dans l’interstice de ses pupilles,  elle l’interroge, sans un mot. Ses grands yeux noisette l’envoûtent. Il balbutie.

-         Je suis passé voir si tout allait bien. Je ne vous ai pas vue depuis trois jours…

Mélophine a la sale habitude de se méfier. Pas d’exception pour l’intrus. Elle reconnaît le voisin du deuxième. Sans le perdre de vue, elle se poste face à lui, s’installe et plante ses étourdissements dans son cortex. D’une seule voix, elle lui synchronise le dernier requiem de sa vie. Submergé, il se rétracte, lutte pour s’en échapper. Contre son gré, la mélodie de Mélophine l’envahit. Il explore ses vibrations souterraines, archéologiques. Il prend ses douleurs, les conjugue en vain. Il est 17h. L’héroïne est toujours là, assise, blottie, encapuchonnée dans son pull trop grand. Quant à lui, vidé, anéanti, il se souvient. Quand son frère a disparu, il a avalé la douleur de sa mère. Toujours là, elle retentit sur l’horizon de celle de Mélophine.  Comme une marionnette, son corps se déplie, par à coups. Abasourdis, hors du temps de cette journée là, les deux  s’étonnent. Elle, d’être toujours en vie, lui, toujours animé  de ce désir d’y croire, à la vie, l’en-vie. L’ombre du soir tempère leurs élans. La noirceur planétaire semble ravaler tout désir de lever le voile de l’autre.

-          Je vais rentrer.

Elle n’a toujours rien dit. Ses yeux lui intiment de rester.

Il hésite, n’est pas sûr de l’avoir compris. Il se lève, dans le frigo, seuls deux yaourts le défient de s’attarder davantage. Elle sourit, il se rassoit, désignant la cafetière qui hulule :

-          Avec ou sans sucre ?

-          On commande des pizzas ?

Elle s’esclaffe d’une joie infantile comme lorsqu’elle jouait, enfant.

 

Mijoty s’étrangle en buvant son infusion du soir. Un signe... Elle s’est promis de vérifier l’état de Mélophine avant ce soir. 19h17 ... Elle enfourche son tubeless. Dans le soleil couchant, elle entend une symphonie complice. Confiante, elle s’en retourne. Sa bouilloire sifflote. Dehors, un souffle glacial, consigne les humains chez eux.


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A suivre...

LN

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26 décembre 2010 7 26 /12 /décembre /2010 16:50

 

Avec emphase et détermination, Trekaï prend la parole :

-                 Je vais rafraîchir vos mémoires défaillantes. Souvenez-vous, nous avons au dernier symposium, traité de la question du sens de nos actions. Nous avons du admettre que l’ensorcellement des bébés révèle une proportion croissante des chances, par rapport aux mauvais sorts. Ce constat partagé par l’ensemble, s’étaye noir sur blanc, sur le Registre des Interventions. Nos sortilèges, devenus enchantements, nourrissent notre perte. Nous devons retrouver notre identité dans le manichéisme, ce qui fait notre fierté, notre puissance inégalable. J’ai ainsi proposé l’abrogation de cette loi ancestrale, qui donne aux seules sorcières, la prérogative de bénir les nouveau-nés. Cette coutume provient de l’influence des fées et de notre jalousie séculaire à leur égard. Il est temps que les sorciers recommencent à contaminer les humains en leur insufflant le sens du fanatisme, de la loi du plus fort. La mère de Mijoty a ouvert la voie, inauguré de nouvelles fondations, en couvant sa proie bien après la naissance. Mais elle a insufflé à cet enfant, le fluide de l’intelligence combiné à celui de l’altruisme, un enchantement réservé aux fées. Comment a-t-elle pu renier notre culture du maléfice, elle, dont les ancêtres étaient les plus fervents fondateurs de notre colonie, ici sur Terre? Elle a payé pour avoir désavoué ses origines, trahi le phalanstère. Vous étiez tous là quand je l’ai condamnée, malgré son audace à laquelle j’ai rendue hommage.

 

La doyenne l’interrompt :

-                 Vous pensiez pouvoir seul bouleverser et métamorphoser notre système, nous imposer votre pensée, refonder notre communauté sur vos propres idéaux. Je reconnais bien là votre mégalomanie…

 

-                 Vous ne comprenez rien, aveuglés par vos traditions. J’aimerai entendre ce qu’en pense la collégialité de la Haute Cour, Mijoty en particulier…

 

Mijoty s’indigne en silence. L’ancien Président, son Maître, la somme de se prononcer, de prendre partie, pour ou contre lui. En quelque sorte, il lui offre l’opportunité de soutenir la rébellion de sa mère, au moins de la réhabiliter dans son hardiesse excessive et inconsidérée, sa témérité. Le souvenir de la naissance de Mélophine l’éblouit dans un flash.

Instantanément, elle se reprend et conjure sa culpabilité pour avoir elle-même transgressée la règle.

 

-                 Nous ne sommes pas ici pour débattre de notre avenir ou des réformes à engager. Nous sommes réunis pour statuer sur les fautes qui vous sont reprochées. Poursuivez!

 

-                 Vous aussi, je vous ai trop bien enseignée le sens des règles, mais je vous ai aussi suggérée de savoir les questionner. J’avoue avoir enfreint cette loi. En effet, j’ai sur un garçon inscrit mon empreinte. J’ai scellé son destin par une ablution au Lacryma Christi, mélangé à une pincée de chaux. Il garde depuis sa naissance la trace de cette bénédiction, une mèche blanche sur ses cheveux noirs corbeaux. Ainsi, je l’ai gratifié d’un pouvoir surhumain, une hypervision : il a la capacité de lire dans les pensées des personnes qu’il côtoie, mais je crois qu’il l’ignore encore. Son iris développé en un regard translucide
 - l’instrument de son talent - ne lui est apparu qu’il y a 2 ans, à la puberté.

 

Un des assesseurs l’interpelle. C’est un de ses anciens élèves. Trekaï lui reconnait un esprit vif, curieux et très actif dans la recherche.

 

-                 Bien. Vous reconnaissez votre délit. Votre culpabilité est donc actée par votre seul aveu, nul besoin d’autres preuves. Mais quelle est votre ambition ?

 

-                 Je doute de vous convaincre d’œuvrer pour l’intérêt de notre congrégation. J’aspire à réaffirmer sa grandeur, qui ne s’exprimera que dans notre puissance à guider les hommes égarés. Arcan est l’instrument de mon pouvoir, le futur instigateur d’un mode de pensée qui combattra l’égarement, la nonchalance et le plaisir pour réhabiliter la force, comme rempart à la dégénérescence du monde vivant. Cet homme sera mon guide innocent, pour déjouer les âmes humaines et les assujettir. Chacun d’entre nous peut s’introduire dans un être humain, pour reconquérir notre pouvoir. Unissons-nous pour cette cabale politique !

 

L’audition touche à sa fin. La plaidoirie de Trekaï suffoque l’assemblée, effrite les fondations antiques de l’ordre de sorcellerie. Ses aveux, mais surtout son argumentaire fallacieux convainc chacun des jurés de sa condamnation immédiate.

 

Mijoty se tourne vers ses adjoints :

-        L’un d’entre vous souhaite-t-il intervenir?

 

En guise de réponse et à l’unisson, fixant Trekaï de leur mauvais œil, les voix des jurés entonnent un chant lugubre et dans une rage démoniaque leur hymne statufie l’accusé.

 

Les délibérations convergent vers la reconnaissance de sa trahison, son avidité, son éloge de la magie noire. Mijoty se remémore les exhortations du Maître prodiguées à ses élèves, pour se hisser au sommet de l’excellence, dans la pratique de la magie noire. Elle se souvient encore de ses conférences sur l’humanité décadente, avachie.

 

Jusqu’à l’aube, l’assemblée délibère sur les menaces voilées, proférées par Trekaï. Mijoty s’enflamme.

-                 La sorcellerie doit se renouveler, non pas dans le fanatisme, mais dans les pratiques de l’enchantement. Nous devons nous libérer de notre position trop dogmatique qui obstrue notre horizon. Craignons les complots, les scissions. Le Maître a sans doute déjà fomenté une conspiration, attisé la révolte chez certains de ses disciples. Soyons unis. Attelons-nous sans tarder à dépoussiérer ce Code, à l’actualiser, puis éclairons nos pairs pour qu’ils nous rejoignent et se rallient à notre point de vue.

 

Sans en avoir réellement conscience, ce jugement inaugural peut signer l’origine d’une profonde mutation et l’abandon de l’ordre établi, de la doctrine pesante. Plus que de l’audace, cela nécessite de l’effronterie. A l’issue de ce huis clos, les décisions collégiales sont unanimes.

 

-                 Trekaï mérite la sentence suprême. Nous devons le neutraliser durablement. Qu’il subisse l’éblouissement par le disque solaire, tel Œdipe. Qu’on lui couse les paupières et qu’on le porte sur la plateforme, face au soleil, jusqu’à sa complète cécité. Enchainez le et mettez le sous surveillance, qu’il ne puisse communiquer avec aucun de ses complices.  Dès ce soir, je réunis le Directoire, pour initier nos travaux et rendre publique notre verdict.   

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A suivre...

LN

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15 décembre 2010 3 15 /12 /décembre /2010 09:59

 Toi qui attends avec impatience la suite  d'Empreintes et Sortilèges, je t'invite à participer au déroulement du procès de Trekaï, en me suggérant la suite et le verdict de ce procès.

Peut-être sera-t-elle source de mon inspiration, pour créer le 6ème épisode.

Pour t'aider au mieux, je t'offre un récapitulatif des 5 premiers épisodes.

 

Empreintes et Sortilèges
par tanamo

 

Tu as jusqu'au 25 Décembre, jour de Noël pour m'envoyer tes idées, par mail, en cliquant sur contact, colonne de droite. Tes  réponses seront comme des cadeaux...

 

88199033sorciere-jpgLN

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12 décembre 2010 7 12 /12 /décembre /2010 18:59

Theatre-1---L-Asile-De-Norwich-blog.jpg

 

La Haute Cour investit le théâtre de l’asile. Dans ce prétoire improvisé, six grandes fenêtres laissent filtrer des éclats crépusculaires. Le jour s’effrite sur l’arc de lune. Des stries de lumière zèbrent le sol, trébuchent sur les fauteuils, teintent la pièce d’une clarté sibylline. Le plafond en dôme, surplombe 20 rangées de fauteuils, d’un cuir poreux, lacérés, alignés de chaque coté d’une allée centrale. A l’orchestre, les sièges en cuir défoncés, se soudent les coudes. Au balcon, il ne reste plus que quelques fauteuils éventrés, arrachés du sol.

Sur l’aile gauche de la scène, un piano recouvert d’une poudre cendrée, qui atténue le noir et blanc des touches, évoque le fantôme d’une musicalité défunte. Le rideau est levé. Sur le devant de la scène, s’ordonnent en une seule ligne droite, onze coussins noirs et ronds. En arrière-plan, sur une table basse vermoulue, en bois écaillé, est posé un grand livre vert et un encrier de céramique.

 

Il est 19h 02. Le cadran sub-solaire se connecte sur la lune. Mijoty ouvre la procession, suivie de dix ombres, sous capes noires. Le Scribe-Parfait ferme la marche et s’installe sur la scène, en retrait, prêt à consigner les débats dans sa mémoire.

 

Trekaï est déjà installé au cinquième rang, défiant d’un regard rogue ses accusateurs. Il ne s’est encore jamais assis du mauvais coté, sur ces fauteuils déglingués. Il choisit celui au bord de l’allée centrale. En familier de ce lieu, pour y avoir présidé plusieurs audiences, il maîtrise tous les actes de procédure.

Il se souvient avec amertume du procès de la mère de Mijoty. Il tenta de l’épargner, de la défendre, mais les jurés tranchèrent et leur sentence fut irrévocable. Il reprit tout le code, chercha en vain un arrêt de jurisprudence, fouilla la mémoire des affaires de la Communauté. Aucun vice de forme, aucun cas d’école pour justifier les actes de la coupable. Face à ce vide juridique, il plaida son innocence, sa bonne foi, son fort engagement dans la survie du groupe. Mijoty, au premier rang, le supplia de son regard candide. Après le jugement, elle s’enflamma, répandit sa rage d’enfant. Sa mère d’un geste naturel, l’apaisa d’un sourire désabusé. Puis, elle subit la sentence : radiée et expulsée, elle vivrait en errante dans les tunnels des cieux. Elle devait disparaître à jamais. Depuis lors, pas un jour ne passe, sans que Mijoty n’attende un signe de sa mère.

 

Aujourd’hui, Trekaï s’attend à une condamnation sévère. Les assesseurs l’ont trop longtemps envié de sa position prestigieuse, pour ne pas envisager enfin, l’heure de la vengeance. L’occasion est trop belle de l’évincer, le réduire, l’humilier. Il ne peut compter que sur la clémence de Mijoty, mais l’alliée d’hier est devenue son pire adversaire. Il n’est plus sûr de personne. L’inculpé peut se faire accompagner d’un confrère, mais il est venu seul. Aucun spectateur en dehors de l’accusé et d’une ombre feutrée au dernier rang : un doyen garant du strict respect des règles de l’instruction et du bon déroulement de l’audience. Dura lex, sed lex : La loi est dure, mais c’est la loi.

 

Mijoty s’assied au centre de la scène. D’un mouvement de tête, elle engage ses assesseurs à prendre place. Ses assistants se tiennent comme elle, assis en lotus, sur les coussins, le corps très droit, le regard dans le vide, tourné vers le fond de la salle. La nuit tombée, l’ombre du fond de la salle s’avance pour allumer les photophores, où dansent les flammes vacillantes de bougies rouges, une devant chaque juré. Trekaï reste inaccessible aux regards. Sa silhouette révèle néanmoins son agitation fébrile, agacée. Un cierge planté sur un support de fer forgé, est placé à proximité de l’accusé. Les lueurs sont la seule vibration de l’assistance.

 

La doyenne prend la parole et sa voix résonne dans l’hémicycle, tandis que les regards convergent vers le cinquième rang. Trekaï ne cille pas. Ses pupilles plongent dans chaque terme prononcé, tentant d’en déjouer le cours. Après avoir rappelé les règles de la Haute Cour : confidentialité, égalité devant la loi, application stricte du Code, présomption de culpabilité, obligation de présenter des preuves et contre-preuves, défense assurée par l’accusé ou assisté d’un confrère, la requérante déroule les motifs d’inculpation :

- Vous comparaissez devant la Haute Cour. Vous êtes accusé d’avoir outrepassé vos fonctions. Vous avez transgressé la loi qui réserve aux seules sorcières, le pouvoir de bénédiction des bébés. Un contrôleur assermenté vous a surpris en train de bénir un nouveau-né, prénommé Arcan et qui plus est, de lui avoir administré une dose de chance hors normes. Malgré votre ingéniosité à effacer l’enfant des listes, il est formel. Il vous a entendu sacrer le nourrisson et a vu le rituel d’ensorcellement. Nous avons visionné ses souvenirs, qui corroborent en tous points ses assertions.

Nous avons suivi le garçon, aujourd’hui âgé de 17 ans, afin de pouvoir prouver vos méfaits et découvrir les effets de votre envoûtement. Enfin, nous avons démasqué votre subterfuge. Vous l’avez pris sous votre aile, capté sa liberté à son insu. Vous en avez fait un surhumain, doté d’une hypervision, pouvoir qui nous est strictement réservé.

Quelles étaient vos intentions? Qu’avez-vous à dire pour votre défense?

 

D’un mouvement éclair, Trekaï se poste au centre de l’allée, contemple la flamme, reflet de son agitation intérieure.

 

- Alors, nous vous écoutons. Percez au moins le mystère. Dans quel dessein avez-vous usurpé cette fonction et par la suite, parrainé ce gamin?

 

La voix rauque de la doyenne stimule sa résolution de prendre la parole...

 

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A suivre...

LN

 

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5 décembre 2010 7 05 /12 /décembre /2010 16:12

 

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Mijoty est de bonne humeur ce jour là. Elle arrive en tubeless au quartier général de sa confrérie «  Communauté  Internationale Chance et Sortilèges », situé dans un ancien hôpital psychiatrique pour enfants. Une seule route d'accès et une voie de chemin de fer sectionnée, relient au monde ce château imposant, d’architecture Victorienne, isolé de tout, au milieu de nulle part.  La région, vidée de toute respiration humaine, est une étendue déserte, un erg de matières hybrides, informes, ensablées, de débris séculaires. Les sorciers sont les seuls survivants dans ce territoire reculé, oublié de toute civilisation. 

La nuit règne en déesse, piquetée des fines  lueurs d’une  lune capricieuse. Les ombres portées détourent les deux tourelles et  les nombreux bâtiments de briques, reliés entre eux par des corridors aveugles, aux allures de coursives. La brise glaciale soulève des grains de poussière et dévoile la rumeur ample et uniforme des cauchemars des enfants fous. Sur le fronton de cet édifice colossal, est gravé dans la pierre : «I taste like the dreams of the mad children».

 

Au centre de ces remparts,  la communauté a élu son dernier quartier général.  Objet de nombreux pillages,  les bâtisses contiennent encore quelques reliques du temps passé, fauteuils roulants, matériel médical, archives, paillasses de laboratoire. Des cheminées démontées, des carrelages colorés, décollés, s’empilent en désordre sur le sol. Des tags ornent les murs, comme pour les remplacer. Mijoty emprunte une longue série de couloirs,  évolue avec facilité sur les planchers en bois arrachés. De chaque coté défile  des pièces exiguës, dont les  murs écaillés renvoient une lumière jaunie, rosie ou bleuie par le temps. A travers  les fenêtres grillagées, la campagne se découpe en un puzzle de formes octogonales. Mijoty a déjà visité chaque partie de ce repaire. Elle ne fait plus attention aux fauteuils renversés, qu’elle escalade, aux plafonds effondrés vomissant leurs poutres moisies, aux lits métalliques défoncés sur lesquels se répandent des blouses bleues, rapiécées, élimées. Au centre, se dresse un escalier de marbre,  jonché de papiers d’archive, répandus sur toutes les marches.  Elle perçoit les murmures déchirant des enfants fous, incrustés  dans les parois déchiquetées d’humidité.

 

 D’un pas assuré, elle passe devant l’ancienne chapelle, qui réunit en son centre les deux ailes de l’asile. Elle s’y arrête comme à l’accoutumée, pose son regard sur le vitrail de la coupole. Le  rai de lumière pose à ses pieds un grêle cône irisé. Familière de ce rituel, Mijoty apprécie  le souffle paisible de la chapelle, protégée des pillards. Elle admire les fresques défraîchies, certaines dénaturées  et ravivées  des tons fluorescents des graffitis. Des anges ont les ailes froissées par une tache de sang, à portée d’une main armée. L’art traverse les siècles.  A trop respirer cette atmosphère de recueillement, au sein de ce lieu lugubre, elle risque l’isolement et le limogeage de ses fonctions de Présidente de la Haute Cour. Une sorcière ne s’approche pas de quelque déité que ce soit. La sorcellerie n’a que faire des bondieuseries hérétiques.

 

Sans s’attarder, déterminée, elle se dirige en direction du Laboratoire, situé à l’extrême aile gauche, au rez-de-chaussée. Sous les arcades en ogive, de grandes  tables métalliques, alignées, sont encerclées par des sorciers qui s’affairent. Des étagères rouillées, adossées aux trois murs d’enceinte, conservent dans des bocaux des mélanges bigarrés. La transparence des fioles et des dames-jeannes, laisse filtrer les couleurs  arc-en–ciel du magma énigmatique de produits inédits.  Sur le mur d’ouverture, de chaque coté de l’arcade, une bibliothèque de style Louis XV, abrite des ouvrages dissemblables. Des étiquettes d’encre noire répertorient les livres, les feuillets, les rapports. Elixirs : Recettes ; Elixirs : Propriétés ; Sortilèges : Effets, Précautions. Deux livres anciens  dominent : « Manuel d’envoûtement, règles et méthodes » et « Communauté Chance et Sortilèges : organisation, lois et règles ». Sur l’étagère inférieure, une étiquette Histoire de la Communauté identifie  des rapports.  Suit un classement des  sites visités,  par territoire.

Sur un pupitre en bois sculpté, un grimoire ouvert décline les conjurations. Des dessins à la mine de plomb, illustrent les formules magiques.

 

Mijoty d’un mouvement de tête discret, salue ses pairs, s’installe à la petite table située dans l’angle, près de la bibliothèque. Elle relit son rapport, le signe et va prendre le Registre des Interventions. Un  post-it rose marque la page vierge des naissances des filles, un deuxième de couleur bleue indique celles des garçons. Chaque page est organisée en quatre colonnes : identité du bénéficiaire, nature de l’intervention, suivi des effets, commentaires. Dans une boite métallique sont classés les rapports par année et par ordre alphabétique. Mijoty s’attèle à la transcription des éléments de son rapport.  Mélophine, Novembre 2010 : A su déjouer le danger.  En voie de stabilisation. A suivre.

 

L’inventaire des interventions reste le plus souvent des écritures inutiles. Mijoty le sait bien, le grand livre est consulté uniquement pour les affaires jugées par  la Haute Cour. Insoupçonnable, Mijoty néanmoins se méfie. Des consœurs et des

 

confrères la jalousent d’avoir obtenu la présidence, elle, dont la mère a trahi le code. Tracassée par ses projets qui dérogent aux lois et dont elle s’est portée garante en prêtant serment, elle s’éclipse.  Au même instant, drapé dans une  houppelande bronze, un sorcier s’élance vers une des doyennes de la communauté. Elle reconnait son Maître, dont elle a capté le siège de la présidence qu’il occupait depuis trois mandats.  Trekaï invective d’un geste menaçant sa consœur.  D’une volte-face, il transperce l’assemblée d’un regard noir. Une fraction de seconde, il dilate sa rétine sur le visage de Mijoty, s’approche d’elle, la toise d’un rictus foudroyant et tourne les talons.  La doyenne interpelle Mijoty d’un signe. Elles se rejoignent derrière une arcade, tiennent en secret un conciliabule :

- L’enquête a révélé sa faute. Il ne peut échapper au jugement de la Haute Cour. La règle est la même pour tous.

- Bien. Convoquez les membres de la cour. Veillez à rassembler  toutes les preuves.

 

Le procès aura lieu demain, une heure après le coucher du Soleil.

Sur ces mots, Mijoty  salue la communauté, s’engouffre dans le dédale des couloirs assombris par les tourments des cieux.  Arrivée à la chapelle, elle se dissimule derrière un pilier. Plus aucune lueur ne perce le dôme en verre. Elle se fond dans l’obscurité, enveloppée d’un souffle glacial… 

 

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A suivre...

LN

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30 novembre 2010 2 30 /11 /novembre /2010 14:04

 

 

 

 

Empreintes et sortilèges 3

 

En reprenant son souffle, Mélophine se hisse contre les parois moites de l’usine désaffectée, se fige un court instant, le regard troublé par la nuit claire. Le disque de lune la contemple, comme empreint de bienveillance. Son visage engourdi se réchauffe de ses larmes.  Au milieu du brouhaha lointain des voitures, elle distingue un bruissement tout proche d’elle, un souffle de chaleur inhabituel.

Mijoty lui accorde un zeste de vitalité, puis lui tourne le dos, rassurée.

 

Ses prédateurs rôdent encore.  Elle les devine à dix mètres, devant elle. Les  deux inséparables sicaires,  planqués derrière une carcasse de camion, chuchotent. Néanmoins elle parvient à distinguer leur dialogue, scandé par un battement léger sur un objet de métal. Leur conciliabule  traduit leur hésitation, leur lassitude, leur impatience. Mais le duo résiste. Ils ne renonceront pas, prêts à en découdre. Ils sont  payés pour la traquer. Elle s’accroupit au ras du sol, ferme les yeux, enregistre, isole, déchiffre les vibrations une à une. Son ouïe exceptionnelle identifie leurs moindres gestes, les sons les plus infimes, repère leurs attitudes, leurs intentions. Ses amis  la surnomment GPS.

 

Instinctivement, elle rassemble ses forces,  fait monter de ses entrailles un grondement, spiralé à une série de  râles gutturaux, tels une meute de loups qui hurle à la mort. L’écho rebondit sur les tôles ondulées, explose, ricoche dans les airs, s’infiltre dans les membranes auditives de ses adversaires. Tétanisés, dans une ultime secousse, ils s’effondrent.  Leurs cris d’effroi déchirent le voile sombre de leur existence, réduite à leurs derniers soubresauts.  Une légère coulée de sang glisse le long de leurs nuques.  A terre, inertes, ils mordent la poussière. Ils ne sont plus. Thanatos les a fauchés du paysage.

 

Au loin, Mijoty affiche un sourire. 

 

Mélophine n’avait jamais vu ses agresseurs  en pleine lumière. A pas feutrés, elle s’approche des deux gisants. Leurs pupilles ne sont plus que des têtes d’épingle minuscules, ourlées dans la blancheur opaque de leurs yeux révulsés. La sève rouge sang perle de leurs oreilles et dégouline en rigole le long de leurs gorges inanimées. Elle vérifie qu’aucune étincelle vivante n’habite encore ces deux minables. Passeurs des basses besognes, créanciers-terminators au service des princes de l’héroïne, ils vampirisent les êtres perdus. Des vies en errance, asservies à leurs seringues vendent leurs âmes pour quelques grammes de poussière blanche, élixir éphémère contre leurs spasmes existentiels.  Au cœur de leur crypte noire, les caïds de la dope leurs jettent de la poudre blanche aux yeux. 

Ces deux dépouilles  avaient opté de s’aliéner au fric plutôt qu’au fixe, dans l’illusion d’échapper à une plongée prématurée en enfer. L’enfer c’était les autres, les junkies misérables, mais c’était sans compter Mélophine, héroïne d’un instant seulement. Ces marionnettes désarticulées, rendues inoffensives seront bientôt relayées par d’autres, qui   se placeront de nouveau sur sa route, si elle continue à arpenter la même piste chaotique, en direction du  néant.

 

Subitement, elle éprouve la solitude de sa vie comme un vide qui l’aspire. Trois  ans auparavant, sa mère est partie en mission, très loin, à l’autre bout du monde. Elle ne lui en veut pas, l’envie même d’être si pleine de ravissement devant le monde, les éléments de la nature, si passionnée par le vivant. Elle, qui funambule, sur la crête des cimes du désordre, frôle l’abîme. Son père est toujours  désemparé, muet face à l’adversité de sa fille. Ses amis, mais en a-t-elle vraiment, déambulent, s’égarent, errent avec elle, comme des spectres noctambules.

Ses pensées se télescopent. Ses doigts caressent ses anneaux. Son talisman ne lui suffit plus à déjouer les pièges du gouffre, dont  elle ne distingue plus l’issue. Le temps est venu de changer de cap, de reprendre sa boussole pour trouver son point d’attache. 

 

Mélophine, d’une volte-face, se détourne. Sa performance vocale a ranimé ses forces. La tête haute, elle reprend sa marche, inspecte les alentours. Elle pense à son chat, hâte le pas et telle une ombre,  frôle la nuit. Les sons habituels de la ville l’accompagnent. Encore cinq cent mètres avant de pénétrer dans son secteur. Son essoufflement l’oblige à plusieurs haltes.   Fondue dans l’urbanité nocturne, elle s’enfonce dans  les ruelles de son quartier.

 

 Une silhouette se profile à la fenêtre du second. « Bonsoir  voisine ».

Sans un mot, elle rentre chez elle, épuisée.

 

Angus, ronronne sur le sofa. Il lève légèrement la tête, lui accorde une attention furtive et se remet en boule.  Mélophine s’allonge au plus près de la chaleur de l’animal. Elle rythme sa respiration sur le souffle régulier de son chat et  s’endort en jurant de changer de mélodie.

 

88199033sorciere-jpgA Suivre...

LN

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24 novembre 2010 3 24 /11 /novembre /2010 23:00

Vous vous demandez sans doute comment Mijoty est arrivée sur ce blog. Il s’agit d’un jeu d’écriture proposé par la communauté La petite fabrique d’écriture qui a proposé la consigne suivante : Il s’agissait de donner des couleurs à Mijoty, une sorcière, et de lui attribuer des pensées.

J’ai commencé à tirer un fil et je me suis laissée embarquer et l’aventure n’est pas finie…

 

Empreintes et sortilèges 2

 

Mélophine sentit sur sa  nuque un courant d’air glacial, descendu  des verrières  brisées, surplombant sa silhouette, à six mètres de hauteur.


Des frissons la parcourent, anéantissent son énergie, menacent ses espoirs.  Elle se laisse tomber sur le sol, se met en boule, mordant la poussière. Ses pensées anesthésiées par la douleur et  son corps cisaillé par des crispations intérieures, exhalent  ses angoisses dans le silence de ses yeux éteints. Sous ses mains encore fébriles, le sol est jonché de ferrailles, mises en relief par  le reflet des lumières crépusculaires, à la surface des flaques d’eau croupie. Les murs suintent de stigmates, de règlements de compte, de menaces mises à exécution, de corps meurtris, les héroïques et les anonymes, confondus, tenus secrets, portés disparus.  Sur les façades humides, des initiales entaillées, des assemblages de lettres gravées, des séries raturées, parfois biffées. Gravées à la hâte, ou patiemment, pour tuer le temps qu’il reste avant… la chute,  l’inespéré secours ou simplement la fin de  journée. 

 Il fut un temps où l’usine textile prestigieuse rutilait de pièces chatoyantes, émanait des odeurs de terre, luisait d’arcs en ciel sur des soieries d’orient.  Un  espace de labeur, remplit de voix, de bruits, de vitalité… Aujourd’hui la mort rôde alentour, gardienne de ces lieux. Seul le battement du cœur de Mélophine est ici, source de vie.

 

Mijoty détourne le regard. Ce repaire maléfique l’aiguille dans une oscillation entre mépris et  compassion. Elle a toujours méprisé les Hommes, faibles, fragiles, hésitants. Elle les  appréhende étriqués, dans une existence monotone et sécurisée. Mélophine, elle,  navigue sur un  rafiot perdu, enlisé dans les sables dévastateurs de la  jouissance destructrice, immédiate. Néanmoins elle  s’avère être à la hauteur d’un intéressant sujet d’observation, toujours prête à défier ses limites. Jusqu’où ira-t-elle dans la descente aux enfers ?   Mijoty veille patiemment, avant de passer à la phase d’expérimentation.

 

Mélophine entrouvre les yeux  et s’adosse à la façade en dépliant ses jambes tétanisées. Elle vocalise par murmures discontinus. Sa voix est avec son audition, une de ses seules ressources, son seul espoir, une corde souple, qu’elle peut fléchir, renforcer, atténuer. De l’extrême grave à l’aigu cristallin, ses cordes vocales la glorifient sur tous les registres : Soprano, mezzo-soprano, contralto. Elles obliquent vers le ténor, le baryton pour s’élever jusqu’au haute-contre. L’éventail de sa mélodie intérieure,  se déplie  à l’infini. 

Enfant, étendue sur l’herbe, elle s’était inventée un jeu : « le training de l’oreille ». Absorbée par l’immensité monochrome du ciel, elle isolait un son, l’identifiait, puis l’éloignait pour en saisir un autre, dans une véritable lecture à vue de la partition céleste.

 

Depuis l’aube de son existence, son univers sonore s’était amplifié de symphonies anachroniques, parfois cacophoniques. Les bruits de la ville capsulaient ceux de la maison, une sarabande disharmonique douloureuse qui l’envahissait d’un désordre continu, une douleur lancinante.  Elle était exposée à tout entendre. Elle souffrait des mots meurtriers de ses parents, qui valdinguaient en rafales de l’un à l’autre, pour finir en fracas sonore de maux éclatés, débris de leur désamour. Seul l’état de sommeil l’insonorisait  et lui assurait une pause de silence absolu.

 Mijoty avait bien prévu les choses  en la dotant d’un pavillon sonore semblable à une table de mixage, reliée à une palette graduée de  timbres multiples.  Elle savait ne pas tout maîtriser de la potion qu’elle avait destinée à Mélophine, mais elle n’en attendait pas tant de son expérience. Quant aux  trois minuscules trous sur son lobe droit, en forme de pyramide,  imprimés par le souffle d’arc en ciel, cette empreinte  avait  dès sa naissance intrigué les médecins. Sa mère s’était  rompue à en trouver l’origine : examens, tests, prélèvements… Le mystère resta entier.  Résignée, sa mère l’orna très tôt de trois fins anneaux argentés. Mélophine portait  ce talisman avec fierté, comme un signe singulier de son art musical, dont elle ne tarderait pas à exulter les décibels, dans une harmonie onirique ou dévastatrice.

 

L’odeur nauséabonde de l’essence fossilisée s’insuffle dans ses narines et  réveille ses sens meurtris. Ce lieu n’est plus un refuge. Elle se traîne jusqu’à l’angle du rideau métallique à semi-ouvert,  sans se rappeler ce qui l’a  conduite dans ce lieu mortifère. Très lentement, elle reprend ses esprits.


Mijoty sut à ce moment là que sa protégée  allait triompher de Thanatos.

 

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A Suivre...

LN

Nota Bene : Je remercie Charlie, mon fidèle correcteur, imparable pour débusquer les coquilles…  

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  • : Chatouillement de l'Âme
  • : Au gré de mes états d'âme j'écris des nouvelles en épisode, des haïkus, des phrasés. J'expose mes tableaux, je vous fais partager mes impression sur les films, les expositions, les livres et j'organise des concours de jeux d'écriture, tout ceci sur fond musical. partage de la musique
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